Pour venir à Gunung Mulu, soit c’est après 12 heures de pirogue soit c’est par la voie des airs. Nous avons choisi la deuxième solution en partant de Miri. Déjà dans l’avion je découvrais au fur et à mesure de notre arrivée que la forêt avait enfin reprit ses droits ou du moins ne les avait pas perdus. Le quadrillage des plantations laissait la place à l’immensité et la densité de la jungle, sillonnée par un sinueux cordon marron qui représentait la rivière. Gunung Mulu est le plus grand parc de Bornéo avec ses 529 km2, c’est vraiment bien d’avoir créé cet espace protégé des engins de déforestation. L’avion c’est posé sur le petit aéroport et j’ai tout de suite senti que nous étions dans un lieu privilégié.
Anita a eu la sensation de se retrouver en 1985 quand elle s’est
posée en Guyane. Nous avons pris possession du logement et nous avons fait une petite balade en soirée aux alentours question de bien s’imprégner de cette ambiance assez spéciale que représente un lieu comme celui-ci. De la forêt, des montagnes, pas de bruit autres que ceux de la nature, juste troublés par ceux des groupes électrogènes à partir de la nuit
. A minuit plus de lumière, seul les bruits des noctambules bestioles qui se promènent un peu partout, même dans nos chambres… Ce que j’ai noté dans cette belle virée de 4 jours c’est l’humilité que nous devons avoir face à cette beauté naturelle. Nous étions devant l’immensité des arbres et de la végétation et finalement ce que nous avons le plus observé c’est l’infiniment petit, le monde des insectes !
Parce que ces petites bêtes sont vitales à la biodiversité et à l’équilibre naturel, elles ont toutes leurs utilités et sont aussi, si le besoin s’en fait sentir, dangereuses voire mortelles. Comme pour nous rappeler à nous les humains que nous ne sommes que des bénéficiaires comme elles de cette végétation si luxuriante. Ici il ne faut pas faire n’importe quoi, sortir des sentiers battus n’est pas permis à tout le monde, les plantes sont urticantes, les chenilles brulent, les araignées peuvent tuer et les serpents aussi. Au cours d’une sortie nocturne nous avons vu un serpent
dont la piqure peut tuer en moins de six heures ! Dans la grotte une araignée très dangereuse elle aussi. Nous avons parcourus la «canopy skywalk », 480 mètres de longueur à 40 mètres de hauteur, c’était super car en plus nous étions que cinq personnes au total
. En fait il n’y avait que très peu de monde dans la forêt, certainement que l’éloignement et les faibles moyens de transport limitent les visiteurs. Nous avons fait des sorties ou nous étions seul au milieu de cette immensité, cela ramène encore plus ce sentiment d’infiniment petit que nous ressentions. Il y a aussi les grottes de Mulu, elles sont merveilleuses et classées à l’Unesco comme le parc d’ailleurs. Nous en avons
visités trois dont une avec un guide et nos seules lampes (du moins celles que l’on nous a prêtées). Là encore que cinq personnes dont trois italiens et nous. Nous sommes restés deux heures sans nous arrêter de marcher, c’est pour vous dire la grandeur de la grotte. Nous avons observé la vie souterraine de certains animaux dont les chauves souris bien entendu
. Je voulais garder ces dernières pour la fin de l’article car nous avons grâce à elles assisté à un spectacle inoubliable. Dans la Deer Cave que nous avons visitée, et qui est aussi très belle et très magique, il y a des milliers de chauve souris. Cette grotte est la plus grande au monde parmi les grottes qui se visitent. Son ouverture sur l’extérieur fait comme un grand trou béant vers un autre monde. Le monde de l’obscure vers le monde de la lumière. L’érosion a façonnée la roche qui laisse apparaitre sous un certain angle le profil d’Abraham Lincoln
, c’est fabuleux et ce n’est pas tout car à la tombée de la nuit les chauves souris sortent par milliers et dessinent dans le ciel des rubans noirs, cela dure presque une heure sans discontinuer, c’est tout simplement merveilleux.
Alors je ne peux pas terminer sans parler de Syria, cette jeune guide qui a la trentaine. Elle est née là à Gunung Mulu et elle ne veut pas quitter sa région. Elle consacre sa vie à ce métier qu’elle a choisi, la forêt est son domaine, elle en parle avec passion, elle a le geste juste quand elle montre et explique, elle est tout simplement habitée par cette nature, elle respire en elle et nous l’a fait partager. Ces frères et sœurs sont tous partis, elle, c’est là qu’elle veut vivre, même seule. Personnellement ça m’a touchée, une telle force, une telle envie, c’est la passion, c’est beau !
Pour ce qui est de l’aventure en elle-même, il faut savoir que j’ai failli perdre Anita lors d’un franchissement de rivière. J’avais mal estimé la force du courant et la profondeur de cette dernière. Heureusement seules les tongs d’Anita ont disparu…. rien de bien grave donc, seulement une anecdote de plus et un bon sermon pour le GO !!!