Nous avons quittés Kétembé et sa jungle avec Noémie et Guy, nos compagnons de trek, pour rejoindre la ville de Berastagi à 7 heures de route. C’est là que nos chemins se sépareront, eux regagnant Malacca en Malaisie et nous le lac Toba plus au sud. Lors de ces déplacements j’aime bien faire des photos depuis le véhicule. C’est de la photo instinctive, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous mais cela permet de ressentir des ambiances. Peu après le départ c’est un marché que nous avons traversé, tout se déroule sur la chaussé évidemment. Plus loin se sont les éboueurs qui effectuent le tri sélectif façon indonésienne.
Nous avons ensuite atteint la ville de Kutacané, là ce sont les drapeaux électoraux qui retiennent mon attention.
La campagne électorale bat son plein pour les législatives. Dans un pays où il y a tellement de différences de cultures, de croyances et de diversités de fonctionnement, la lutte promet d’être âpre. Quand nous quittons la province d’Aceh, le passage est bien matérialisé, presque comme une frontière.
Il est vrai que cette province a déjà versé du sang pour son indépendance. Nous retrouvons maintenant un islam moins radical
qui cohabite avec les Karo Bataks qui sont chrétiens. D’ailleurs après quelques kilomètres du changement de province un homme découpe un cochon juste à coté de la chaussée.
Cette dernière sera maintenant pourrie jusqu’à notre arrivée. C’est surement la raison pour laquelle un camion c’est couché dans un virage juste avant nous.
Arrivée à destination, nous prenons possession de notre chambre. Elle est grande mais très épurée, d’ailleurs pour l’eau chaude se sera dans un autre petit bâtiment et il faudra payer pour la douche. Nous faisons un petit tour du marché et c’est très local.
Ici les brouettes ne servent pas qu’au jardinage!
Le lendemain notre jeune couple décide de partir faire l’ascension du volcan Sibayak, mais nous déclinons leur invitation. Les courbatures du trek sont encore dans les pattes. Du coup nous décidons d’occuper notre temps avec une de nos activités favorites, faire de la moto. Nous allons partir voir le volcan qui fait la une de l’actualité depuis plusieurs mois, le Sinabung. Ce volcan dormait depuis 400ans et il s’est réveillé en 2010 et plus récemment en novembre 2013 et janvier et février 2014. Il a tué 17 personnes la dernière fois et provoqué l’évacuation de 25000 autres. Le Sinabung est un stratovolcan, ses éruptions forment un nuage pyroclastique qui est constitué de cendres brulantes.
Malgré ses menaces réelles, nous avons joué la carte de l’imprudence et nous avons franchi la « red zone » pour aller dans le village évacué.
La curiosité est parfois source de prise de risques. Nous sommes passés à l’heure du déjeuner et c’est surement la raison pour laquelle personne ne nous a arrêtés. Plus nous avancions vers le village et bien entendu vers le volcan et plus nous avions l’anxiété qui commençait à se manifester.Les panneaux indicaient les routes d'évacuation
et nous allions à contre sens. Personne sur la route ou presque puisque c’est interdit.
A l’approche du village un sentiment bizarre m’envahit, je veux aller plus loin mais j’ai quand même crainte. Le spectacle est apocalyptique.
Tout le paysage est sous la cendre.
La pluie est tombée depuis et cette dernière c’est tassée et durcie. Il y a un peu de vert par-ci par-là
mais la végétation a souffert.
Les habitations sont souvent endommagées ou détruites.
Les cendres ont été enlevées de la route, certainement par les secours, et mises dans des sacs pour les évacuer plus tard. La désertification renforce le sentiment de crainte et de peur.
Sur une maison les décorations de noël sont restées sur la porte,comme pour rappeler qu'il y a peu ce village vivait normalement.
Quelques personnes sont là, à coté de leur habitation. Ils sont venus pour essayer de sauver un peu de leurs biens. Un homme est là assis à coté de sa maison à moitié détruite, il ne bouge pas et semble perdu. C’est très troublant tout ça. Nous discutons avec un autre habitant de ce village. En fait nous ne discutons pas, nous ne savons pas quoi dire, nous nous sommes arrêtés pour essayer de compatir à sa détresse mais nous sommes tellement impuissant devant tout cela. Le volcan est là menaçant
et pourtant ces gens gardent l’espoir de revenir ici, chez eux. C’est ce qui c’est passé en 2010, le volcan avait craché et après la population était revenu travailler sur les pentes fertiles. C’est difficile à comprendre ce comportement mais c’est humain. Nous avons quitté le village, comme nous étions venus mais avec en plus beaucoup de peine pour ces pauvres gens victimes du déchainement des éléments. Dame Nature a donné à Sumatra ce qu’elle a de meilleur mais aussi de pire. C’est vers le village de Lingga à une quinzaine de kilomètres que nous nous sommes rendus.
C’est un petit village avec des habitations typiques des Karo Bataks.
Quand nous sommes arrivés un homme est venu vers nous, il faut dire que nous étions les seuls touristes. C’était le responsable local du tourisme. Au début nous pensions qu’il fallait payer un droit d’entrée. En fait ce n’était pas ça du tout. Nous avons été à « l’office de tourisme »
et là ,oh surprise, Anita voit une carte postale de Zwolle,
sa ville de naissance et d’habitation aux Pays Bas. Le monsieur en question parle très bien hollandais, il a appris avec son grand père qui lui, l’avait appris à l’école du temps de la colonisation. Il nous explique le fonctionnement de cette vie batak et aussi de ces belles maisons. Les familles vivent à plusieurs à l’intérieur. Dans celles que nous avons visitées se trouvaient huit et douze familles. Un panneau devant les habitations mentionne le nombre de familles, leurs noms et aussi l’année approximative de construction de la maison.
L'entrée est surélevée avec une marche, il faut se baisser pour entrer.
A l’intérieur il y a autant de points de cuisson (feu)
que de familles. Sur le coté se trouve les chambres. Les jeunes filles sont coté fenêtre pour pouvoir entendre les jeunes hommes qui viendraient leurs faire la cour en jouant de la flûte en roseau. Cette dernière est unique à Sumatra. Les prétendants jouant chacun un air différent, la dulcinée sait qui est sous sa fenêtre. Les jeunes hommes à l’âge de 17 ans doivent quitter la grande maison et vont dans une autre habitation qui leurs est réservée.
Tout cela est très romantique et c’était sympa d’écouter cette façon de déclarer sa flamme, à l’heure du SMS, du portable et du virtuel cela fait du bien. Les maisons sont décorées avec des couleurs vives,
c’est très original. Nous sommes ensuite rentrés à Berastagi qui est la ville du chou.
Toute la région est riche en culture maraichère.
Ici même les petites filles, tout comme les petits garçons naissent dans des choux. Ils y naissent mais ils y meurent également, le plus souvent les tombes étant dans les champs.
Je voulais leur chanter : « savez vous planter les choux, à la mode, à la mode… »mais je n’ai pas osé. Je terminerais avec cette jolie crèche rencontrée sur la route.
Un clin d'oeil à mon amie Joséphine qui ne peut pas aller à la sienne.
Pascal