Nous sommes partis à pied de la guesthouse pour ce séjour dans la jungle. Nous serons sept personnes au total, Jhony notre guide avec Saïd et Duan qui seront les porteurs, Noémie et Guy le jeune couple de français et nous deux. Jhony nous donne des guêtres pour éviter les sangsues. En chemin nous les ôterons, car il n’a pas plu depuis plusieurs jours et nous nous contenterons de mettre nos chaussettes sur nos pantalons. Anita et Guy ont quand même eu des sangsues sur le ventre mais rien de méchant, juste de quoi tacher le t- shirt de sang. Nous avons des sacs assez lourds quand même car il faut prévoir les vêtements de rechange, les sacs à viande (duvet léger), l’éclairage, les piles, l’eau, le matériel de photo et aussi une petite pharmacie…on ne sait jamais ! Pour ma part je suis à peu près à 10kgs, Anita étant allégée du fait qu’elle a déjà pas mal de difficultés quand ça grimpe un peu. Et pour grimper, ça grimpe ! C’est la jungle et bien que les sentiers soient ouverts, parfois nous passons dans les broussailles, un chemin ouvert ne le reste pas longtemps s’il n’est pas pratiqué, il se referme vite. Dans cette région il n’y a quand même pas foule de touristes, la plupart préférant aller à Butik Lawang qui est un centre de réhabilitation des orangs-outans, ces derniers étant en semi-liberté et bénéficiant de plate-formes de nourrisage. Nos deux porteurs sont aussi très chargés, ils transportent le campement et aussi l’intendance pour trois jours. Jhony est très à l’aise dans la jungle, il grimpe et marche plus vite que nous. Cela lui permet aussi de s’arrêter, d’observer et d’écouter. Il souhaite nous montrer les habitants de cette belle nature et ce n’est pas facile, ce n’est pas le zoo de Beauval, il faut traquer lentement la faune de façon à ne pas l’apeurer. Jhony est doué pour cela, il a appris avec son grand père adoptif et il a du métier. Nous avons d’abord pu voir des Thomas’s Langur,
ce sont des petits primates facilement reconnaissables à leur ventre et dessous des bras blancs et à leur coiffure iroquoise.
Chaque fois que nous voyons des animaux nous posons les sacs et restons très longtemps à les observer.
C’est tellement beau de voir évoluer ces singes dans la jungle, ils sont ici chez eux. Nous reprenons la marche et c’est à chaque pas un émerveillement pour moi de voir cette forêt. Les arbres,Shorea bracteolata (appelé ici Meranti)
y sont majestueux ainsi que de très nombreuses autres espèces.
Les différentes couleurs de vert forment un tableau que même le Douanier Rousseau n’aurait pas su peindre. Nous faisons des franchissements de rivières et ce n’est pas simple.
Il faut poser les chaussures, ça glisse sur les pierres, c’est profond parfois et il y a souvent du courant. Tous ces ingrédients, Anita n’apprécie pas trop
mais il faut bien traverser ! Nous arrivons à notre premier camp de base. C’est là que nous déjeunerons
et nous y passerons la première nuit.
Après le repas nous repartirons dans la jungle mais sans les gros sacs et j’avoue que cela me plait bien. Saïd et Duan montent le camp et en premier s’occupent du repas. Je dois adresser mes félicitations à ces deux jeunes qui nous ont toujours très bien nourris.
De temps en temps Jhony venait donner un conseil pour la cuisine mais c’était toujours copieux et bon.
Les poissons ne sont pas pour midi,
ils feront partis du repas du soir. Nous buvons de l’eau amenée pour le premier repas mais par la suite ce sera l’eau de la rivière qui sera bouillie ou alors nous y ajouterons des comprimés pour la purifier. Pendant la préparation du repas nous avons pu faire une petite remise en condition, faire sécher nos habits déjà plein de transpiration et aussi nous baigner un peu dans le rivière dans un cadre idyllique. Anita était souvent marquée
par les ascensions difficiles
mais là, elle avait retrouvé le sourire.
Après déjeuner nous sommes repartis dans la visite des lieux. Toujours autant de dénivelé à franchir et j’avais l’impression qu’il fallait monter toujours plus haut. Nous avions la tète soit dans les racines des arbres pour s’accrocher, soit dans la cime des arbres pour chercher à voir ceux que l’on cherchait, les orangs-outans. Après quelques temps nous avons été récompensé, nous avons vu nos deux premiers orangs-outans,
une mère avec sont petit.
Là haut dans un de ces très grands arbres de la jungle. C’était un instant magique et aussi d’émotion car nous connaissons le déclin presque irréversible de cette espèce de primates. De les voir là devant nous dans leur élément, à manger pour la mère et jouer pour le petit c’est surement une image qui ne touche pas les puissants dévastateurs de la jungle mais moi ça m’a touché. Nous sommes restés très longtemps, le spectacle était si beau,
je ne pense même pas qu’ils nous avaient repérés.
Jhony en fin connaisseur a eu l’idée à un moment de nous déplacer un peu plus en retrait, vers un autre poste d’observation. Et là, ce qui était rêve c’est transformé en réalité. La mère et l’enfant sont tranquillement descendus d’une bonne dizaine de mètres et la mère a commencé à faire son nid pour la nuit. Elle a cassé plein de branches, mis des feuilles et quand le nid fut terminé, elle a pris son bébé par le bras et l’a tiré vers elle. Une main est sorti comme pour nous dire au revoir et puis plus rien, tous les deux blottis allaient s’endormir.
Pour nous c’était l’heure du retour vers le camp, la tète truffée de cette scène si rare avec de si belles images. En arrivant nos popotiers faisaient la vaisselle à la rivière. Le soir nous dinons avant la tombé de la nuit. Les poissons seront grillés
et très appréciés, nous nous les partagerons avec un très bon curry.
Ensuite toilette à la rivière et une petite veillée autour du feu.
Jhony nous racontera une multitude d’anecdotes de ses différentes sorties dans la jungle. Nous ferons quelques jeux de cartes et aussi un peu de magie.
J’ai ressenti une ambiance familiale avec ce groupe, d’ailleurs Saïd et Duan, les deux plus jeunes nous appelaient maman et papa. Ce sont des moments forts car nous sommes dans un environnement merveilleux et la journée était si bien remplie. La nuit elle sera moins bonne, difficile de dormir sur la terre ferme, même dans la jungle ! Nous n’avions pas de matelas gonflables, juste un revêtement en plastique dur pour nous protéger du sol. Pas trop de visite d’animaux nocturnes ni de serpents, tant mieux. Le lendemain, petit déjeuner avec les pancakes
et c’est le départ pour un autre camp de base, nous avons de nouveau crapahutés à la recherche d’autres instants si gratifiants. La matinée c’est passée sans voir quoique ce soit mais rien que cette flore si dense
avec ces beaux arbres
suffisait à mon bonheur. Nous avons fait plusieurs traversées de rivières avec toujours autant de difficultés. Le lieu du second camp de base est aussi très impressionnant. A cet espace naturel que représente la jungle vient s’ajouter un autre élément de Dame Nature, ce sont les brumes soufrées et l’eau brulante qui jaillit de terre.
Cela donne là encore un décor insolite
ou ce mélange admiration et crainte. Le scénario de la veille se répète et après le repas c’est sans les sacs que nous partons en balade. Mais très physique la balade ! Là aussi nous sommes récompensés
car nous voyons encore une mère
avec son petit. Ce qui est surprenant est que nous avons été repérés par les deux orangs-outans et ils essayaient de nous envoyer des branches sur nous. Ils les cassaient et les lançaient en bas, comme pour nous faire fuir, à moins que ce soit un jeu pour eux... Nous sommes ravis de voir qu’il y a de la reproduction. Une femelle est adulte sexuellement vers l’âge de 10 ans et peut avoir des petits jusqu’à 30ans. Elle accouche en moyenne d’un bébé tout les six ans. Son espérance de vie est de 40 ans maximum. Les orangs-outans sont solitaires et peu sociables. Ils sont souvent dans les très grands arbres et mangent des fruits,
des feuilles, des écorces, des jeunes pousses et quelques insectes, œufs ou miel.
Ils ont besoin d’un vaste domaine pour la quête de nourriture. Les grands arbres sont indispensables à leur vie à l’état sauvage. De retour au camp de base, une fois de plus avec plein de souvenirs en tète, c’est aux papillons que je me suis intéressé.
Ces derniers viennent dans le sable qui est chaud
et soufré.
Ils sucent un peu de sel contenu dans le soufre.
C’est encore une chance de voir de si beaux papillons
se laisser approcher.
C’est un régal de voir toutes ces couleurs qui se mélangent
quand ils s’envolent.
En fin de soirée, la cerise sur le gâteau a été le bain chaud dans la rivière.
Il fallait faire très attention car l’eau à quelques dizaines de centimètres pouvait passer d'un peu frais à brulant.
Nous avons même fait des œufs durs dans l’eau,
on la voit bouillir à certains endroits. La soirée a été à l'image de la précédente avec en plus une surprise pour les quatres touristes.Duan avait confectionné pour chacun d'entre nous un bracelet en rotin de la jungle. Il nous l'a enfilé avec une ficelle pour le faire coulisser. Ensuite nous avons posé nos mains sur la sienne comme pour communier ensemble et le remercier de ce beau cadeau.
La nuit n’était pas plus confortable que la veille mais la fatigue aidant nous avons quand même trouvé le sommeil. Le troisième jour nous sommes partis le matin vers une cascade. Noémie et Guy ont eu le courage d’aller sous la chute,
nous les avons applaudis en simples spectateurs. Nous avons vu également lors de nos sorties des cigales,
certaines très bruyantes,
de vrai sirènes, des lézards volants
et aussi des grenouilles.
Les gibbons ont souvent été entendu avec leurs cris si particulier. Nous les avons vu aller d'arbres en arbres, ils se déplaçaient très vite, pas le temps de les observer mais très beau à voir quand même. Pour le retour vers notre point de déjeuné, Jhony a conseillé à Anita de repartir avec les porteurs par un chemin plus facile. Il a bien fait car je peux dire que c’était raide. De plus c’était le troisième jour de marche et les muscles étaient beaucoup moins frais. Mais une fois de plus la récompense était là car nous avons pu observer un jeune male.
Les males ne vivent pas avec les femelles ils sont souvent solitaires sauf bien entendu au moment ou la femelle est en chaleur. Nous avons fait un dernier repas en pique-nique et nous sommes repartis pour Kétembé.Quelques photos de groupe
pour immortaliser
cette superbe sortie dans la jungle de Sumatra. Un grand merci à Jhony, Saïd et Duan. J’avais le cœur gros de quitter cet univers. Pour moi, venir dans la jungle de Sumatra c’est comme aller à Bornéo, ou en Amazonie. Ce sont des endroits que j’avais appris à l’école comme étant impénétrables et les poumons de notre planète Terre. Je suis content de voir qu’ici le Gunung Leuzeur Parc
est encore avec ses grands arbres majestueux. Mais je sais que cet équilibre est fragile et que les enjeux économiques menacent la jungle et ses habitants, notamment les orangs-outans. Notre guide et son équipe de Jhony Jungle sont eux aussi très conscients de ces menaces. La déforestation est en marche depuis longtemps déjà et rien ne semble l’arrêter. Cette région de Sumatra est classé Unesco pour sa biodiversité, j’espère que cela préservera les orangs-outans. En tout cas pour ma part cette sortie est inscrite dans ma tète. J’ai je pense touché le sacré avec les yeux, là-haut, tout là-haut dans les grands arbres de la jungle, regardez bien
il y a un orang-outan, il n’est pas en cage mais bien chez lui dans la jungle de Sumatra.
Pascal